quinta-feira, 2 de fevereiro de 2017

No jardim da guerra- a voz obstinada e frágil da papoila


«Je n’use que de ma voix si proche du silence et
 qui n’a que l’obstination fragile du coquelicot
 pour te mettre à la question
 il ne me faut que la tenaille des mots
 durcie au feu continu du chagrin
 mais par exemple je ne demande moi
 ni pourquoi ni comment
 ma question est ailleurs elle est bien avant le pourquoi
 et le comment
 je demande ce que c’est
 qu’est-ce que ce flux nerveux qui court des neurones
 à l’extrémité du bras
 et fait plier l’index sur la gâchette
 d’une arme automatique ?
 et qu’est-ce qui est automatique l’arme ou le geste ?
 qu’est-ce que cette émotion sèche qui gouverne la
 main meurtrière ?
 qu’est-ce que voit réellement l’œil qui vise ?
 qu’est-ce que le bruit des viscères qui se rompent
 dans l’oreille du tueur ?
 qu’est-ce que le relâchement de l’effort dans les
 muscles tendus pour tuer ?
 qu’est-ce que l’idée d’être là pour que l’autre n’y soit
 plus ?
 qu’est-ce que la certitude de devoir faire un mort ?
 qu’est-ce que le sentiment de la chose accomplie ?
 qu’est-ce que l’énergie surpuissante qu’il faut à
 l’index quand il enfonce
 le bouton qui fera le désastre ?
 qu’est-ce que ce geste du pied qui fait bouger la chose
 morte
 pour vérifier qu’elle est morte ?
 et qu’est-ce que ce coup gracieux dont on achève
 l’agonisant ?
 je sais mes questions
 c’est comme demander
 quelle est l’intention du gel qui tue le fruit
 du vent qui tue la branche
 du nœud de sable qui tue la source
 je sais mes questions
 n’ont pas de réponses
 et c’est pourquoi je les pose
 pour qu’enfin se taise le discours des effets et des
 causes »


Jean- Pierre Siméon, excerto de Stabat Mater Furiosa


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