«Je n’use que de
ma voix si proche du silence et
qui n’a que l’obstination fragile du
coquelicot
pour te mettre à la question
il ne me faut que la tenaille des mots
durcie au feu continu du chagrin
mais par exemple je ne demande moi
ni pourquoi ni comment
ma question est ailleurs elle est bien avant
le pourquoi
et le comment
je demande ce que c’est
qu’est-ce que ce flux nerveux qui court des
neurones
à l’extrémité du bras
et fait plier l’index sur la gâchette
d’une arme automatique ?
et qu’est-ce qui est automatique l’arme ou le
geste ?
qu’est-ce que cette émotion sèche qui gouverne
la
main meurtrière ?
qu’est-ce que voit réellement l’œil qui
vise ?
qu’est-ce que le bruit des viscères qui se
rompent
dans l’oreille du tueur ?
qu’est-ce que le relâchement de l’effort dans
les
muscles tendus pour tuer ?
qu’est-ce que l’idée d’être là pour que
l’autre n’y soit
plus ?
qu’est-ce que la certitude de devoir faire un
mort ?
qu’est-ce que le sentiment de la chose
accomplie ?
qu’est-ce que l’énergie surpuissante qu’il faut
à
l’index quand il enfonce
le bouton qui fera le désastre ?
qu’est-ce que ce geste du pied qui fait bouger
la chose
morte
pour vérifier qu’elle est morte ?
et qu’est-ce que ce coup gracieux dont on
achève
l’agonisant ?
je sais mes questions
c’est comme demander
quelle est l’intention du gel qui tue le fruit
du vent qui tue la branche
du nœud de sable qui tue la source
je sais mes questions
n’ont pas de réponses
et c’est pourquoi je les pose
pour qu’enfin se taise le discours des effets
et des
causes »
Jean- Pierre Siméon, excerto de Stabat
Mater Furiosa
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