L’homme est un drôle de corps, qui n’a pas son
centre de gravité en lui-même.
Notre âme est transitive. Il lui faut un objet, qui l’affecte, comme son
complément direct, aussitôt.
Il s’agit du rapport le plus grave (non du tout de l’avoir, mais de l’être).
L’artiste, plus que tout autre homme, en reçoit la charge, accuse le coup.
Par
bonheur pourtant, qu’est-ce que l’être ? – Il n’est que des façons
d’être, successives. Il en est autant que d’objets. Autant que de battements de
paupières.
(…)
Ne
serions-nous qu’un corps, sans doute serions-nous en équilibre avec la nature.
Mais notre âme est du même côté que nous dans la balance.
Lourde ou légère, je ne sais.
Mémoire, imagination, affects immédiats, l’alourdissent ; toutefois, nous avons
la parole (ou quelqu’autre moyen d’expression). Chaque mot que nous prononçons
nous allège. Dans l’écriture, il passe même de l’autre côté.
Lourds ou légers donc je ne sais, nous avons besoin d’un contrepoids.
in L’objet c’est la poétique, Gallimard, 1967
Francis Ponge, França (1899-1988)
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