À Ronsard
Ô maître des
charmeurs de l’oreille, ô Ronsard,
J’admire tes
vieux vers, et comment ton génie
Aux lois d’un
juste sens et d’une ample harmonie
Sait dans le jeu
des mots asservir le hasard.
Mais, plus que
ton beau verbe et plus que ton grand art,
J’aime ta passion
d’antique poésie
Et cette
téméraire et sainte fantaisie
D’être un nouvel
Orphée aux hommes nés trop tard.
Ah ! Depuis que
les cieux, les champs, les bois et l’onde
N’avaient plus
d’âme, un deuil assombrissait le monde,
Car le monde sans
lyre est comme inhabité !
Tu viens, tu
ressaisis la lyre, tu l’accordes,
Et, fier, tu
rajeunis la gloire des sept cordes,
Et tu refais aux
dieux une immortalité.
Sully Prudhomme, França (1839- 1907)
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